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Donations et successions

Le prélèvement préciputaire n’est pas un partage

Saisie pour avis, la première chambre civile de la Cour de cassation confirme que le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant ne constitue pas une opération de partage. Par conséquent, il échappe au droit de partage.

« Le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant constitue-t’il une opération de partage ? » : une question qui faisait débat

Les époux mariés sous un régime communautaire peuvent stipuler dans leur contrat de mariage que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur les biens communs, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce donnée de biens (c. civ. art 1515).

Ainsi, au décès du premier conjoint, le survivant exerce un prélèvement sur certains biens communs conformément à la clause de préciput insérée dans le contrat de mariage.

Plusieurs jugements des tribunaux judiciaires ont considéré que le prélèvement préciputaire n’était pas une opération de partage (TJ Niort 24 janvier 2022, n° 20-01453 ; TJ Lille 4 avril 2022, n° 20-03477 ; TJ Lille 9 février 2024, n° 22-03013). Certaines cours d’appel ont pareillement confirmé cette position au motif que l’exercice de la clause de préciput n’avait qu’une fonction de prélèvement par le seul conjoint survivant et non d’allotissement entre plusieurs partageants (CA Poitiers 4 juillet 2023, n° 22-01034 ; CA Rennes 19 mars 2024, n° 21-03418). En revanche, la cour d’appel de Grenoble a considéré qu’il s’agissait d’une opération de partage (CA Grenoble 24 septembre 2024, n° 23-01411).

L’administration fiscale a formé un pourvoi en cassation contre la décision de la cour d’appel de Poitiers (CA Poitiers 4 juillet 2023, n° 22-01034 précité) ayant disqualifié le prélèvement préciputaire d’opération de partage.

Saisie du pourvoi, la chambre commerciale de la Cour de cassation a sursis à statuer dans l’attente de la réponse de la première chambre civile de la Cour de cassation sur le point de savoir si le prélèvement préciputaire constituait ou non une opération de partage.

Un débat tranché par la première chambre civile de la Cour de cassation

La première chambre civile de la Cour de cassation est d’avis que le prélèvement effectué par le conjoint survivant ne constitue pas une opération de partage.

Selon elle, bien que le prélèvement préciputaire ait, comme le partage, un effet rétroactif, il se distingue de l’opération de partage à plusieurs égards. Notamment :

-il intervient avant tout partage, dans la limite de l’actif net préalablement liquidé de communauté ;

-s’effectuant sans contrepartie, les biens prélevés en exécution de ce droit ne s’imputent pas sur la part de l’époux bénéficiaire ;

-enfin, son exercice relève d’une faculté unilatérale et discrétionnaire du conjoint survivant.

Le prélèvement préciputaire ne constituant pas une opération de partage, il en résulte que, sur le plan fiscal, l’exercice du préciput ne rend pas exigible le droit de partage prévu à l’article 746 du CGI (égal à 2,50 % de l’actif net partagé).

À noter : La chambre commerciale de la Cour de cassation, dont l’audience était fixée au 27 mai 2025, devrait suivre cet avis.

Pour aller plus loin :

« Donations et successions », RF 2023-6, § 1810

Cass. civ., 1re ch., 21 mai 2025, n° 23-19780

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